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Les nouvelles de 2024
Emotions, please set me free
Reggie et moi au moment de faire le bilan de l’année
J’avais envie de profiter de la newsletter de décembre pour faire un petit “hors série” sous forme de bilan de l’année écoulée et de tops culturels, comme le veut la tradition (vous pouvez scroller plus bas si vous voulez aller direct à mes tops !). J’aime bien prendre un temps pour me demander ce que j’ai fait, ce que j’ai aimé, ce qui m’a fait réfléchir ou avancer, pour repenser à tous les petits moments que j’ai envie d’archiver et à ceux que je préfèrerais oublier — comme ce samedi où j’ai pleuré dans le métro en écoutant Time Warp (c’est le moment de 2024 où j’ai touché le fond avec panache).
Je me dis souvent que tout ce que je fais, je le fais “sans rien en attendre” ce qui est, évidemment, assez faux. On écrit pour être lue, on conseille des œuvres en espérant que les autres les aiment à leur tour, on lance des idées pour qu’elles rebondissent. Cette année j’ai fait des choses qui m’ont apporté pas mal de joie et m’ont fait me dire que je ne m’acharnais pas pour rien. J’ai sorti un livre, défendu des romans que j’ai aimé passionnément, modéré ma première rencontre à la Maison de la poésie et des tables rondes, fait partie d’un chouette jury à un festival de cinéma, lancé un podcast avec une nouvelle amie, écrit des articles qui me tenaient à cœur, participé à des chouettes projets, maintenu cette newsletter et l’écriture personnelle avec une certaine assiduité. Mais parfois j’ai été déçue, aussi, et je l’ai avoué à demi-mot à des personnes qui n’avaient rien demandé. Je me suis comparée aux autres, j’ai dit que je voulais plus — plus de succès, plus de likes, plus de ventes, plus d’argent, plus de contrats, plus de presse etc etc etc. J’ai trouvé ça difficile de me dire que les choses ne se passaient pas toujours comme je l'avais imaginé, parce que ça me mettait face à l’idée que, justement, je ne pratiquais pas l’écriture “sans rien en attendre”. Et que j’espérais bien un certain résultat, même si je ne me le formulais pas de cette façon et que j’ai toujours aimé m’imaginer comme une personne libérée de toute forme d’ambition.
Je lisais l’autre jour sur Instagram une entrée du journal de l’autrice Coline Pierré. Elle parlait de ce paradoxe de l’écriture : il faut avoir à la fois un égo démesuré et beaucoup d’humilité pour aller au bout d’un livre et pour avoir envie de s’y remettre après certaines sorties décevantes. (Je reformule, lisez Coline pour avoir ses mots exacts !) Il faut peut-être être un peu delulu pour continuer malgré les déceptions, les petites vexations, les pointes d’aigreur (et la ✨précarité✨ bien sûr). Ça me fait du bien quand les autres parlent de leurs doutes et c’est, je crois, ce que j’essaie de faire maladroitement ici. Je suis à un moment où je dois moi-même dépasser cette montagne de “à quoi bon” pour aller de l’autre côté, où m’attendent un nouveau livre, de nouvelles joies, d’autres enthousiasmes. Il faut que je retrouve cette petite flamme qui me donne envie, après avoir écrit sur les mots des autres pour le travail, d’ouvrir ce manuscrit.
Je n’ai pas de conseils à donner — je crois que je retrouve toujours l’envie dans les mêmes choses : des conversations autour d’un thé, un karaoké, un film génial partagé avec ma personne préférée, une comédie musicale, des blagues bêtes. Rencontrer de nouvelles personnes avec qui on aime parler, marcher seule à Paris, descendre la rue Jean Jaurès et voir les reflets du soleil sur la mer, surligner une phrase mille fois et la noter partout. C’est dans ces moments pourtant assez ordinaires que l’expérience du réel me déborde tellement qu’il faut que je l’écrive, comme si tout mon être craquait aux coutures. Et ce n’est peut-être pas, malgré l’image que je cultive de moi-même, “pour rien” ou “sans rien attendre” mais parce que, justement, j’écris pour dire aux autres “hey, vous aussi ?”, pour lutter contre la solitude du monologue intérieur. Toutes mes plus grandes “réussites” de l’année, citées plus haut, sont liées à des rencontres, à une forme de circulation des idées, des valeurs, de la littérature. Au son particulier que font les mots quand ils tombent au bon endroit.
Alors malgré les doutes, l’incertitude, la pression (et peut-être à cause d’un égo plus conséquent que ce que je veux bien admettre) je finis toujours par ouvrir Word ou Scrivener — et par repartir pour un tour.
Et je vous remercie d’être là, de l’autre côté d’Internet et de la montage de doutes, et de me lire 💖
Maintenant place à la tradition annuelle des tops de l’année, avec tout ce que j’ai aimé découvrir en 2024 !
Les films / séries / albums / livres qui ont fait battre mon cœur en 2024
Les films découverts cette année
“Les nuits blanches” de Visconti
🌚 Les nuits blanches de Luchino Visconti (1957)
Vu en début d’année, ce récit d’un amour impossible m’a déchiré le cœur en deux et je crois que c’est le film que j’ai préféré découvrir cette année, qui m’a le plus accompagnée. J’avais envie de pleurer rien qu’en cherchant une image à coller dans cette newsletter.
💕 Je t'aime, je t'aime d'Alain Resnais (1968)
Un film que j’ai mis trop de temps à regarder mais qui est rentré directement dans le top de mes films préférés au monde. Ça parle de temps qui passe, de souvenirs, d’amour. En somme, de tous mes sujets préférés.
📞 Past lives de Celine Song (2024)
Une œuvre très délicate sur l’amour, les relations à distance et la propension de certaines personnes à se faire des films. Elle a vécu avec moi pendant quelques semaines, peut-être parce que j’ai relate un peu trop fort. J’ai aussi écouté la merveilleuse BO de Christopher Bear et Daniel Rossen en boucle en écrivant.
🐈 Un jour un chat de Vojtech Jasny (1963)
J’ai adoré découvrir ce film super coloré et inventif sur un chat qui peut dévoiler la vraie nature des gens. J’y ai trouvé beaucoup de force à un moment où j’en avais besoin.
📽 La zone d'intérêt de Jonathan Glazer (2024)
Je garderai longtemps avec moi le souvenir de cette séance, qui résonnait tellement avec le génocide qui se déroulait sur l’écran de nos portables et qui m’a mise dans un malaise puissant. Un film important : tout le monde l’a dit, et c’est vrai.
📺 I saw the TV Glow de Jane Schoenbrun (2024)
J’ai dit que j’arrêtais le lobbying sur ce film magnifique qui a mis en images mon rapport complexe et passionné à la fiction donc j’arrête (mais voyez-le absolument svp)(et si vous ne l’aimez pas, ne me le dites pas).
😭 Maternité éternelle de Kinuyo Tanaka (1955)
J’avais prévu d’arpenter la filmographie de la réalisatrice japonaise Kinuyo Tanaka cette année et je n’ai en définitive vu que Maternité éternelle, superbe film sur une poétesse qui tombe gravement malade. C’est très beau sur l’écriture mais aussi sur le désir (et il y a des plans qui vivent toujours dans ma rétine à ce jour).
🗿 Dahomey de Mati Diop (2024)
J’ai vraiment adoré ce film de Mati Diop, profonde réflexion sur l’art et sur la colonisation. Et je l’ai dit cent fois mais la BO de Dean Blunt et Wally Badarou était si belle, ça me frustre énormément qu’elle ne soit pas sortie.
🧛♀️ Vampire humaniste cherche suicidaire consentant d'Ariane Louis-Seize (2023)
Oui j’ai absolument mis ce film pour cette scène inoubliable sur la chanson Emotions de Brenda Lee.
👯♀️ May December de Todd Haynes (2024)
J’adore Todd Haynes, ce qui ne m’a pas empêchée de rater May December au cinéma (comme beaucoup de films cette année). Je l’ai rattrapé récemment et j’ai évidemment aimé cette histoire de dualité et d’abus, très surprenante et profonde.
💃 Bungalow pour femmes de Raoul Walsh (1956)
Absolument fan de Mamie Stover, le personnage interprété par Jane Russell dans ce film de Raoul Walsh, sorte de femme fatale qui essaie de se sortir de sa précarité par tous les moyens et est durement jugée pour ses choix, .
Dessin issu de l’édition américaine des “Écrans sanglants” de Claire Cronin
Les livres lus cette année
👽 Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke (éditions du Sous-sol)
C’est, je crois, le roman qui m’a le plus marquée cette année par son étrangeté, son caractère résolument politique et sa prose gluante et fascinante. À accompagner de la BO d’Under the skin par Mica Levi.
📚 Blackouts de Justin Torres (éditions de l'Olivier, traduit par Laetitia Devaux)
Mon roman préféré de la rentrée littéraire, une sublime conversation intergénérationnelle autour des archives queer. C’est un objet très singulier, passionnant et beau.
🩸 Les écrans sanglants de Claire Cronin (éditions le Gospel, traduit par Adrien Durand)
J’ai aussi promis que j’arrêtais le lobbying sur ce formidable livre qui mêle réflexions sur le cinéma d’horreur et autofiction. J’ai l’impression que Les écrans sanglants a ouvert le champ des possibles pour moi (rapport au livre que j’essaie d’écrire en ce moment) et je lui suis incroyablement reconnaissante.
🛒 Pleurer au supermarché de Michelle Zauner (éditions Christian Bourgois, traduction Laura Bourgeois)
Ce roman autobiographique sur une relation mère-fille compliquée et sur le deuil m’a beaucoup touchée. Ça parle notamment des liens qu’on tisse à travers la nourriture. Et ça m’a fait réécouter Japanese Breakfast (le projet musical de l’autrice) donc +1 pour ça.
🌺 Martyr ! de Kaveh Akbar (éditions Scribes/Gallimard, traduction Stéphane Roques)
Un livre magnifique dont je n’ai eu de cesse de parler et que j’ai recommandé à tout le monde avec plus ou moins de succès. Ça parle d'art de la manière la plus sensible et profonde possible, des liens familiaux, d’identité, d’amitié et d’amour. Je l’ai fini en larmes.
🚀 Girlfriend on Mars de Deborah Willis (éditions Rivages, traduction Clément Baude)
J’ai aussi beaucoup parlé de ce formidable roman de SF qui est venu cristalliser la colère politique que j’ai ressenti toute l’année. C’est à la fois un page turner hyper satisfaisant et une réflexion profonde sur toutes les manières dont notre monde part en vrilles.
🌱 Ginseng Roots de Craig Thompson (éditions Casterman, traduction Isabelle Licari-Guillaume, Frédéric Vivien, Laëtitia Vivien)
Je lis beaucoup moins de BD ces derniers temps mais j’ai été très touchée par ce récit personnel de Craig Thompson. Ça raconte la culture du ginseng au US mais aussi l’itinéraire d’artiste de Thompson, ses douleurs chroniques, ses échecs et ses réussites. Et graphiquement c’est sublime.
👀 Mille images de Jérémie (Clément Ribes, Verticales)
Probablement mon roman français préféré de la rentrée littéraire, ce premier roman de Clément Ribes est une histoire de passion amoureuse et de solitude, pleine de jeux avec lea lecteurice et d’un humour qui avance masqué.
🛰 Orbital de Samantha Harvey (éditions Flammarion, traduction Claro)
Depuis que je me suis endormie devant le film Appolo 13 au cinéma de Concarneau en 1995, j’ai décidé que les œuvres sur l’espace ne m’intéressaient pas. Et puis cette année j’ai changé d’avis. Orbital est un voyage à bord de l’ISS et une méditation très belle et poétique sur le sens de la vie et sur notre monde qui part en vrille (oui c’était la thématique de l’année, ça va vous ?).
🌀 La promesse de Silvina Ocampo (éditons des femmes Antoinette Fouque, traduction Anne Picard)
Ayant adoré La petite sœur de Mariana Enriquez, je me suis plongée dans l’œuvre hyper bizarre de Silvina Ocampo (toujours bien conseillée par ma libraire, Véronique de la Petite Librairie à Brest, simplement la best). J’ai hâte de prolonger cette découverte.
Image de la série “How to with John Wilson” (cet épisode, “How to cook the perfect risotto”, m’a fait pleurer toutes les larmes de mon corps)
Les séries découvertes / poursuivies cette année
📹 How to with John Wilson
Ma plus belle découverte de l’année a été How to with John Wilson, une superbe série documentaire dont chaque épisode est centré autour d’une question spécifique. C’est très tendre, intime et beau, un peu bizarre aussi, gênant parfois. J’étais incroyablement triste de lui dire adieu une fois le rattrapage terminé.
👯♀️ Such Brave Girls
Gros gros coup de cœur pour cette série anglaise qui raconte l’histoire de deux sœurs. Je vous préviens qu’il faut pouvoir supporter une certaine dose de malaise pour l’aimer (sinon je vous connais vous allez me dire “c’était hyper criiiiinge” et je vous dirai “ah bon ?”) parce qu’elle est profondément bizarre et parfois dérangeante. Mais j’ai adoré.
🎤 Hacks saison 3
Je ne cesse de parler de Hacks, géniale série sur la relation de travail/d’amitié entre une vieille gloire du stand up et une jeune autrice prometteuse. Je pourrais les regarder s’envoyer des vannes pendant des heures, je les adore. Cette saison était parfaite.
👩🚀 For All Mankind
Toujours dans l’idée de me réconcilier avec l’espace, j’ai rattrapé toutes les saisons de For All Mankind, une série super bien écrite qui imagine une histoire alternative de la conquête spatiale.
🕵️♂️ Slow Horses
J’ai aussi fini de rattraper cette excellente série d’espionnage et je me suis fortement attachée à cette équipe de rejects du MI5. Je la recommande surtout pour Gary Oldman et ses blagues de prout.
🍔 Bob's Burger
Mille ans après tout le monde on a commencé à rattraper Bob’s Burger et cette série animée me fait beaucoup rire et me met des chansons improbables dans la tête (deux qualités que cette série partage d’ailleurs avec la personne que j’aime). J’adore absolument tous les personnages, surtout Gene ma vie. Ne change jamais Gene stp.
📺 Episodes
J’ai rattrapé cette année cette série hyper méta des années 2010 qui raconte l’histoire de deux auteurices britanniques qui se retrouvent à tourner une adaptation de leur série à Hollywood avec Matt LeBlanc. Évidemment le résultat est un désastre, et c’est ça qui est (très) drôle.
💖 Reservation Dogs
J’ai beaucoup parlé de cette série au fil de l’année, donc je ne vais pas en rajouter mais je vous encourage vraiment à la rattraper. Ça commence comme l’histoire d’une bande de jeunes qui commettent de petits larcins dans leur réserve amérindienne au milieu de l'Oklahoma et ça mute en une réflexion hyper profonde sur le passage à l’âge adulte, sur la communauté, sur le deuil et l’amitié. Et la BO est incroyable.
🦹♀️ Extraordinary saison 2
J’étais très contente de retrouver les personnages de cette super série, pas merci par contre de nous avoir laissé avec ce cliffhanger terrible. J’y pense encore.
✊ Small Axe
J’ai traîné des pieds pour regarder cette série de Steve McQueen, pour la simple raison que les épisodes duraient trop longtemps (je suis bête parfois). Ne faites pas la même erreur : chaque épisode est une merveille. J’ai particulièrement été touchée par Lover’s Rock, construit autour de la géniale chanson de Janet Kay Silly Games, qui est devenu un de mes tubes. (difficile à chanter au karaoké par contre)
🥊 Fargo saison 5
Après avoir zappé la saison 4 de Fargo, j’ai adoré la saison 5, une réflexion rare et puissante sur le masculinisme. Encore émue en repensant à certains épisodes et à la performance de Juno Temple.
Les disques qui m’ont accompagnée cette année
(Featuring un album de Godspeed You ! Black Emperor ! C’est pour toi Olivier !)
Je ne vous fais pas de petit récap sur chaque disque (parce que cette newsletter est beaucoup trop longue et aussi parce que c’est dur d'écrire sur la musique) mais il n’y a que de la qualité, croyez-moi sur parole.
💀 Death Jokes - Amen Dunes (Sub Pop)
🤠 Bright Future - Adrianne Lenker (4AD)
🌺 Keep Me in Your Mind/See You Free - Bonny Light Horseman (Jagjaguwar)
☄️ The Land, the Water, the Sky - Black Belt Eagle Scout (Saddle Creek)
⚫️ No Title as of 13 February 2024 28,340 Dead - Godspeed You ! Black Emperor (Constellation)
🌝 Big Dread Moon - Claire Cronin (Orindal Records)
🍃 Mayday - Myriam Gendron (Chivi Chivi)
🎸 I've Got me - Joanna Sternberg (Fat Possum Records)
💙 Sun Arcs - Blue Lake (Total Union Records)
🌊 Big Swimmer - King Hannah (City Slang)
⚓️ Look to the East, Look to the West - Camera Obscura (Merge Records)
👽 EELS - Being dead (Bayonet Records)
🌌 Night Reign - Arooj Aftab (Verve Label Group)
Et sur ce, je vous souhaite une bonne fin d’année et on se retrouve en janvier avec le programme habituel !