Les nouvelles de mars

Stop and smell the roses

Je ne sais pas bien quoi dire, ce mois-ci. J'avais d'abord prévu de parler de doutes. J'ai passé une partie du mois de mars en compagnie de Bob Fosse puisque j'ai lu l'imposante biographie écrite par Sam Wasson. J'essayais de noyer le monde dans l'entertainment. J'oubliais l'extérieur en regardant des extraits de ses comédies musicales, en écoutant la version Gwen Verson/Chita Rivera de Chicago. Dans mon lit, avant de dormir, en me plongeant dans le livre, j'avais l'impression de retrouver un compagnon d'angoisses et de doutes. Avec un mode de vie différent tout de même : plutôt que de prendre des amphétamines et d'agresser des femmes ou de leur téléphoner au milieu de la nuit, je bois de la tisane et je tricote devant PEN15. Mais j'ai trouvé dans son insatisfaction, dans ses envies de tout arrêter la veille de la première, des échos à ma propre situation.

Et puis j'ai pensé vous raconter la rencontre avec Nicolas Mathieu à laquelle je suis allée assister à la librairie Dialogues. Il nous a évoqué sa peur du temps qui passe et la manière dont il essaie de capturer l'expérience du sensible dans son travail. Il nous a parlé de musique, de son arrivée en gare de Brest, de la texture si étrange de l'existence. C'était un instant comme suspendu, où je sentais tout le monde dans la librairie essayer se souvenir de la caresse du vent marin sur ses joues. L'arrivée en gare de Brest est ma préférée, parce qu'on se jette dans la mer — et qu'elle veut dire qu'on est rentrée à la maison.

En dernier recours, j'avais envie d'évoquer les fleurs de mon jardin que je vois éclore chaque jour, pour la première fois, qui font écho à cette expérience si particulière. J'aurais parlé de la chanson de Television Personalities Stop and Smell the Roses et de la manière dont on peut se sentir léviter un peu en l'écoutant.

Mais voilà plutôt ce qui s’est passé en mars.

Ce que j’ai fait en mars :

🍃 J’ai eu le plaisir d’interviewer Ophélie Damblé et Roca Balboa pour leur album jeunesse qui parle d’écologie et de green guerilla pour La ville brûle. Il y a aussi un petit édito et des recommandations culturelles, vous pouvez lire ça par ici !

📚 Peu de temps pour mon blog culture en ce moment et ça me désole franchement, mais des jours meilleurs viendront. J’y parle ce mois-ci de comédies musicales (pour changer), de Dérives de Kate Zambreno, de technicolor et (encore) de Bob Fosse, mon compagnon de Covid. À lire juste là !

🐼 Sur Instagram, j’ai écrit quelques mots sur Alerte Rouge, le dernier Pixar, qui m’a rappelé mon adolescence de fan et la série PEN15 que j’adore (j’avais écrit ce texte sur Retard quand le site existait toujours, j’en refais souvent la publicité parce que je l’aime bien !). À lire par ici !

🎉 Si vous avez raté l’info sur les réseaux, je vous informe officiellement que je sors mon premier essai le 27 mai prochain aux éditions Daronnes ! Je peaufine les corrections en ce moment, d’où cet édito sur le(s) doute(s). (J’espère que le mode de vie tisane-tricot plutôt qu’amphétamines-nuits blanches m’empêchera de subir des crises cardiaques à la veille de la sortie du livre — Bob nos chemins se séparent ici) Ça parle d’amitiés féminines sous un angle que j’espère politique et joyeux et c’est ma BFF Aurore Carric qui m’a fait l’honneur d’illustrer la couverture.

À voir / à lire :

💅 Sur les bons conseils d’Aurore, j’ai regardé le spectacle de Catherine Cohen qui est disponible sur Netflix et qui est un savant mélange de chansons drôles (mais super catchy, envie qu’elle se lance dans une série façon Crazy ex-girlfriend) et de stand-up. C’est vraiment drôle, très ironique sur le féminisme-washing et elle a cette petite pique sur les films de super-héros qui m’a fait me dire “allez je screencap”.

💡 J’ai beaucoup aimé cette newsletter de Lucie Ronfaut-Hazard qui parle de nos comportements sur Internet en rapport avec la guerre en Ukraine (je me pose en général beaucoup de questions sur ce qu’il faut / ne faut pas tweeter, cet article m’a aidée. J’espère que vous êtes déjà toustes abonné·es à #Règle30 !).

📽 Dans la série rattrapage des films de 2021, j’ai regardé Julie en 12 chapitres de Joachim Trier et j’ai été un peu agacée par certains de ses aspects : le débat télévisé simpliste autour de la liberté de tout montrer en art, le personnage de Julie qui manque de profondeur… Cet article de Another Gaze a mis des mots sur mes ressentis.

🎧 Vous ai-je dit que j’avais une petite obsession pour Frank Sinatra en ce moment ? Et bien le podcast All That Jazz lui consacre un passionnant épisode que je vous conseille d’écouter ! Fanny y parle des rôles de Frankie au cinéma, de la manière dont il a évolué à l’écran, de masculinité et de sa voix qui rendait ses fans dingues (et qui ne me laisse pas indifférente non plus, entre nous).

💋 En parlant de ne pas être indifférente, l’une de mes grandes idoles Rufus Wainwright a joué au Grand Rex cette semaine, quelques faits saillants : il a repris du Neil Young // Il a invité Catherine Deneuve sur scène // Il nous a confié avoir écrit une comédie musicale (quelle hype) // Il a porté une robe rouge à paillettes // Il a enchaîné The Art Teacher et Poses et il a beaucoup repris sa respiration dans le micro, un art qu’il maîtrise à merveille. J’avais écrit un texte sur l’ami Rufus, sur notre deuxième lune et miel (métaphorique) et sur la beauté (rétrospective) de mes regards d’adolescente sur Tailspin.

En bref :

🌞 Beaucoup de livres doux dans ma vie en ce moment que je vous recommande si ce début d’année vous met un gros coup derrière la nuque : Amalia d’Aude Picault (sur le quotidien, l’écologie, la pression individuelle, la beauté des fleurs, l’envie de lendemains qui chantent), Adieu triste amour de Mirion Malle qui sort aujourd’hui même aux éditions La ville brûle (sur une rupture, un départ, mais surtout sur la couleur qui revient dans la vie, sur une communauté lesbienne solidaire, sur l’amitié, la chaleur du printemps qui revient) et Pourquoi pas la vie de Coline Pierré que je lis en ce moment (sorti aux éditions l’Iconoclaste) et qui mêle deux de mes passions dans la vie : Sylvia Plath et la comédie musicale.

🕺 Je me suis passée plein de scènes de comédies musicales en boucle ce mois-ci : ce numéro incroyable de Bob Fosse et Gwen Verdon dans Damn Yankee (attention après vous l’aurez dans la tête pour 2 semaines), Bob Fosse en serpent dans The Little Prince de Stanley Donen (fascinée par ce film, si vous l’avez vu dites moi !), cette scène incroyable de Gene Kelly qui danse avec son reflet dans Cover Girl de Charles Vidor et Kim Novak qui chante dans un cœur géant turbo kitsch dans Pal Joey de George Sidney.

Dans Pourquoi pas la vie, Coline Pierré écrit :

Maintenant qu’elle a un peu de temps, elle vacille devant l’énergie qu’il faut déployer pour écrire sans se laisser submerger par ses petites voix familières. Celles qui paralysent, les pessimistes et les défaitistes, celles qui sont pétries de doutes, qui préfèrent tout saborder avant même d’essayer, celles qui se sentent incomprises, qui revendiquent la singularité, et celles qui aspirent à l’universalité, les orgueilleuses, les perfectionnistes, les narcissiques, les susceptibles, les blessées, et puis les courageuses, les émotives, les coléreuses, les sarcastiques, les perfides, les revendicatrices. Toutes ces voix ordinaires de l’écrivaine qui incarnent à la fois la joie et l’inertie, l’évidence et le chaos, et que Sylvia tente d’accorder pour en faire un chant harmonieux et singulier, une chorale protéiforme où chacune trouverait sa place sans écraser les autres.

Et je vous laisse ainsi. Bon mois d’avril !