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Les nouvelles de juin
What a glorious feeling !
Juin a été le mois de la tristesse et de la joie, du tout et du rien. Un jour, accablée, touchant du doigt tous les objets dans la maison vide, trop vide, de ma grand-mère, le lendemain à Paris pour fêter mon livre et boire un spritz en rigolant. Un jour dans une toute petite salle pour voir les doigts virtuoses de Yasmin Williams courir sur sa guitare et qui font naître l'image d'un fleuve, du bord de mer et de la solitude; le lendemain à la Défense Arena à s'époumoner sur Saturday Night's Alright for Fighting devant les décors grandioses d'Elton John qui font remonter les souvenirs d'enfance et de karaoké.
Toutes mes émotions se sont, je crois, métabolisées devant un visionnage au cinéma de mon film favori, Chantons sous la pluie. J'étais toute seule à Paris et j'ai fait ce que je voulais et rien d'autre. J'étais heureuse mais avec cette vague de tristesse tout au fond. J'ai partagé cette séance avec un couple dont l'homme était clairement un immense fan du film. De ceux qui ne peuvent pas s'empêcher de chuchoter très fort "Cyd Charisse !" quelques secondes avant qu'elle n’arrive sur l'écran, parce qu'ils savent qu'ils vont encore être soufflés par cette tornade de tissu vert et de regards brûlants.
Je me suis souvent dit que le jour où tout l'espoir se sera évaporé de moi, comme l'eau laissée par accident sur le feu, je pourrai toujours regarder Chantons sous la pluie et y retrouver cette petite réserve d'euphorie contenue dans Moses Supposes ou Make 'Em Laugh. J'aime toutes les émotions simples qui ne sont jamais empêchées dans le film : l'amour, l'amitié, la joie, le bonheur de la fiction et de la musique.
Pourtant, cette fois, j'ai ressenti un peu de tristesse en le regardant. Les couleurs enveloppantes (le vert et le jaune ! Le violet de la scène de la déclaration !), le son qui me prenait aux tripes et le sourire de Gene Kelly, j'avais envie que tout cela dure encore et encore. Je voulais retenir les personnages. Restez avec moi ! Baladons-nous à Paris ! Chantons sous la pluie raconte cela aussi. Le moment où la fiction s'arrête, où on ne chante plus. Tout comme le film que tournent les héro·ïnes se termine, il faut quitter la salle de cinéma, reprendre son sac. Quand je suis partie, l'homme devant moi pleurait, et sa compagne le prenait dans ses bras. Je pleurais aussi, encore plus en voyant que cette fiction pouvait, 70 ans plus tard, faire battre deux cœurs aussi fort. Peut-être que quand tout l'espoir se sera évaporé, il me restera ce sentiment-là, de ne jamais être seule.
Ce que j’ai fait en juin :
📚 Fin mai mon livre est sorti, j’en ai parlé chez Cheek, chez Terrafemina et à Radio U à Brest (où je co-présentais une émission musicale dans une autre vie). J’en ai aussi parlé dans les librairies et c’était chouette ! Il est toujours en vente par ici ou dans votre librairie pref !
❤️ Maison Cosmo is back ! On a sorti pas UN mais DEUX zines ce mois-ci ! Le premier s’appelle Réussir sa vie, ça parle de comment j’ai lâché l’affaire à ce sujet (ce n’est pas un zine de développement personnel je vous rassure) et le deuxième, All My Favorite Singers Couldn’t Sing raconte mon amour pour Silver Jews. Toujours illustrés et mis en page par the one and only Barbusse Buro / Aurore Carric !
Merci à Olivier pour cette belle boutique et à Marie qui a rejoint cette équipe très professionnelle. Allez rendez-nous riche, on mérite (on mérite pas moins que Bernard Arnault ???).
🔥 Ce mois-ci j’ai interviewé Agnès Rosenstiehl (je me souviens si bien de son petit Larousse illustré, que nous avions quand nous étions petites mes sœurs et moi) pour la ville brûle !
🏡 Sur Tailspin j’ai écrit un texte qui parle de l’exposition de Chris Ware à la BPI qui m’a tellement émue mais qui parle surtout de ma grand-mère. J’ai aussi beaucoup écrit sur Instagram alors qu’habituellement cette plateforme me barbe, un texte sur ma grand-mère, un texte sur Chris Ware, un texte sur Paris. Ce format immédiat et court allait bien, je crois, avec ce mois pendant lequel je me suis sentie fragile et ballottée.
À voir / à lire / à écouter :
🎶 J’ai vu et beaucoup aimé le documentaire sur Simon and Garfunkel, qui raconte l’enregistrement de leur dernier album Bridge Over Troubled Water (qui est par ailleurs une de mes chansons préférées). Il explore vraiment comment les idées naissent, comment on passe d’une chanson pas mal à un chef d’œuvre, comment les talents se complètent…
🎞 Mon ami Boris a fait une super vidéo pour le média Cartoon Fantasy sur la réalisatrice de films d’animation allemande Lotte Reiniger et sur les techniques dingues qu’elle a inventé.
💃 Si vous êtes abonné·es à Criterion, j’ai adoré aussi cette conversation autour de la comédie musicale entre Michael Koresky et Andrew Chan qui explique l’importance du genre pour la communauté LGBT. Ils racontent super bien tout ce qu’il y a à lire comme sous-textes et comme messages, même dans des films qui mettent en scène des couples hétérosexuels. Super envie de lire Place for us de D.A Miller dont ils parlent pendant leur conversation.
📽 Les nouvelles étaient tellement horribles en juin (chaque jour apporte son ulcère supplémentaire, ce n’est pas le but de cette newsletter de relayer ce qui me donne envie de tout cramer mais il y aurait de quoi dire) que j’ai l’impression qu’on a peu parlé de la mort de Jean-Louis Trintignant ? Je repense tellement souvent à son rôle dans Trois couleurs - Rouge de Kieslowski dans lequel il est incroyable.
💸 J’en ai déjà parlé mais pour une raison qui m’échappe je regarde toutes les séries sur les arnaqueurs·ses et autres start-up atroces, donc ce mois-ci j’ai regardé WeCrashed que j’ai trouvée assez complaisante sur le personnage principal dans les derniers épisodes, et The Dropout qui est plus intéressante. Le New Yorker parle un peu de cette mode ici.
En bref :
🎓 Abbott Elementary a débarqué sur Disney+ et c’est une série que j’aime beaucoup parce qu’elle est drôle, super bien jouée et politique. Elle raconte le peu de moyens qu’ont les écoles publiques aux États-Unis à travers le regard d’une instit idéaliste et adorable. (ne la critiquez pas svp)
🍇 Sur ma thématique adorée de “réussir sa vie”, j’ai été assez fascinée par le film Seconds de John Frankenheimer (1966). Il raconte l’histoire d’un homme plus tout jeune qui se laisse convaincre par une clinique étrange de changer de visage et de recommencer sa vie. Il a une femme et une fille mais il s’ennuie un peu, et comme il a les moyens, il accepte. Il revient donc sous les traits de Rock Hudson mais se trouve accablé par des questions existentielles qui ne le lâchent plus. Combien de vies nous faut-il pour comprendre que c’est peut-être la question même de la réussite qu’il est urgent de remettre en cause ? [CW : scène hyper chelou avec du raisin]
🕶 J’ai beaucoup aimé Leave Her To Heaven de John M. Stahl avec la géniale Gene Tierney. C’est un film très sombre qui retourne complètement tout ce que l’on peut attendre d’un personnage féminin et qui redéfinit la figure archétypale de la femme fatale. (un peu à l’image de Gone Girl)
👄 J’ai aussi beaucoup apprécié l’expo Toyen au Musée d’Art Moderne. J’ai aimé l’humour bizarre de ses tableaux mais aussi ses paysages et images surréalistes et désolées. J’ai aimé son mystère et sa liberté.
🎧 Tout le mois de juin j’ai réécouté Monad de Chris Cohen. Quel tube.
Et cette semaine on se laisse avec un autre Chris, en la personne du génial Chris Ware. Je vous souhaite un super mois de juillet sans canicule !