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Les nouvelles de janvier
Silly games
Les nouvelles de janvier
Image de la scène de ballet dans Un américain à Paris de Vincente Minnelli
Je crois que le mois de janvier est passé tellement vite que j’ai à peine eu le temps de le détester — je suis allée à Angers, j’ai donné un atelier d’écriture, j’ai lu des livres et fait des interviews, j’ai suivi les actualités avec cette boule au ventre qui ne nous quitte désormais plus.
Et puis j’ai re(rerere)vu Un américain à Paris de Vincente Minnelli. C’est un film auquel je trouve des défauts mais que j’aime avec une passion rare, surtout pour sa longue scène de dream ballet qui ouvre une incroyable brèche dans le scénario, aspire tout le reste, et fait naître en moi à chaque fois que je la regarde un feu d’artifices d’émotions. J’aime par-dessus tout cet instant suspendu pendant lequel Gene Kelly et Leslie Caron dansent dans la fumée, au milieu des fontaines dont le mouvement s’est arrêté, dans une explosion de couleurs. Je pourrais revoir cette séquence mille fois et toujours m’en émerveiller. Bref, après avoir vu le film j’ai regardé la présentation de la rétrospective MGM Musicals sur Criterion par le critique Michael Koresky dans laquelle il évoque son amour pour le genre. Et il dit notamment quelque chose qui m’a beaucoup touchée sur le fait que l’on a tort de penser que les comédies musicales de l’âge d’or ne savent faire “qu’une chose sur le plan émotionnel” : nous divertir.
Il raconte qu’il regarde Le chant du Missouri de Minnelli chaque année parce que le film, en plus d’être un monument d’entertainment, dit des choses très profondes sur le changement et pose un regard intéressant sur la famille. Et qu’il aime Un Américain à Paris parce que son scénario explore ce que c’est d’être un artiste qui n’arrive pas à s’épanouir. “Beaucoup de ces films sont des films sur l’échec, explique Koresky, sur la manière dont on essaie de faire au mieux dans un monde qui ne comprend pas vraiment qui on est”. J’ai trouvé cette idée très belle et je crois qu’elle est venue dire quelque chose que je n’avais jamais vraiment conscientisé sur les raisons de mon amour si profond pour le musical. Outre le fait que j’ai l’impression que le genre est au plus près de la manière (très over the top) dont je vis mes émotions à l’intérieur, peut-être qu’il vient aussi dire quelque chose sur une place dans le monde qui ne me semble jamais totalement définie. Tout ça pour vous dire que si vous avez un coup de mou en février (et comment ne pas en avoir un), Minnelli est là pour vous — et pour vous prévenir que l’on trouve toujours dans les comédies musicales bien plus que ce que l’on était venu chercher.
Ce que j’ai fait en janvier :
📽 J’ai été invitée à Angers pour le super festival Premiers Plans. Je faisais partie avec Esther Brejon et Pierre Charpilloz du jury Diagonales et on a récompensé le très beau documentaire Knit’s Island d’Ekiem Barbier, Guilhem Causse, Quentin L'helgoualc'h (qui n’est pas un film sur le tricot mais sur les jeux vidéos, désolée !). J’en ai dit deux mots sur Instagram. C’était super chouette de sortir de ma grotte ! Et j’ai même pu aller voir la tapisserie de l’Apocalypse !
📚 Pour les Inrocks j’ai interviewé la passionnante Eleanor Catton pour son non moins passionnant roman Birnam Wood (paru chez Buchet-Chastel, traduit par Marguerite Capelle). C’est par ici !
💔 Sur mon blog j’ai écrit un petit texte sur les triangles amoureux douloureux de Past Lives de Celine Song, Nuits blanches de Luchino Visconti (film que j’ai vraiment vraiment adoré et que je vous conseille x1000) et Two Lovers de James Gray que je revoyais avec un regard bien différent. Ça se lit ici !
📚 Le 14 février je serai à Paris pour animer le lancement aux éditions le Gospel du très beau roman d’Ella Baxter Une créature de douleur (traduit par Adrien Durand). Ça se passera à la librairie la Régulière si vous avez envie de venir faire un tour !
À voir / à lire / à écouter :
📚 Alors que j’attendais un train à la gare de Laval j’ai écouté l’épisode du bookclub de Marie Richeux avec Claro (ft un extrait de Vertigo en VF, je n’étais pas prête), qui parle d’échec en littérature et m’a donné très envie de lire l’essai L’échec, comment échouer mieux paru chez Autrement.
🎶 Je rattrape enfin Small Axe la série de films de Steve McQueen. Je n’ai pas encore tout vu mais j’ai adoré l’épisode musical (évidemment) Lover’s rock, inspiré des nuits de fête de la tante du réalisateur. Il en parle dans cette interview en expliquant ses goûts et l’idée de s’inspirer de la comédie musicale pour raconter cette histoire. Moi depuis j’écoute Silly Games de Janet Kay, que je ne connaissais pas du tout, et je n’aime rien autant que d’avoir l’impression que tout un monde musical s’ouvre à moi.
🎧 L’autre jour en regardant la série Reservation Dogs sur Disney+ (qui parle d’une bande de jeunes Natifs Américains), j’ai entendu une chanson de Beat Happening, et donc je suis allée me rencarder et j’ai lu cette interview très intéressante de Tiffany Anders, qui supervise la musique de la série et raconte comment elle a voulu respecter l’identité des personnages. Toujours un point de vue passionnant !
Priscilla de Sofia Coppola
En bref :
💅 Je suis allée voir le Priscilla de Sofia Coppola, j’ai passé le reste du mois à me dire “il faut vraiment que j’écrive quelque chose dessus”, et puis ce n’est pas arrivé. J'ai trouvé le film très intéressant et beau et je me suis beaucoup agacée des critiques (surtout une mais ce n’est pas mon genre de balancer). Il y a une scène que j’aime particulièrement dans le film, dans laquelle Priscilla dit au revoir à Elvis à l’entrée de Graceland, alors que celui-ci s’apprête à partir dans son tourbus. La caméra semble suivre le bus, aller vers le personnage masculin, suivre l’action. Et puis à la place elle revient avec Priscilla et son bébé. Juste avant nous avions parlé en atelier d’écriture d’Ursula Le Guin, de raconter l’histoire des cueilleurses à la place de celles des chasseurs (l’histoire-qui-tue). J’ai trouvé cette scène très belle : on reste à l’intérieur, on suit l’ennui, la surprotection, on ne va pas vers la rock star. Priscilla est un récit assez classique d’émancipation mais je trouve qu’il est beaucoup d’autres choses, qu’il est beaucoup plus subtil qu’au premier regard. Comme son héroïne.
📚 Ce mois-ci j’ai rattrapé un roman de la rentrée littéraire de janvier dont j’ai adoré l’écriture, Les filles de l’est d’Elitza Gueorguieva, paru aux éditions Verticales. Ça suit l’arrivée en France de deux femmes bulgares : une jeune étudiante et une travailleuse du sexe. C’est parfois très drôle, assez sombre aussi, et ça joue beaucoup sur l’étonnement face à cette langue (et cette société) française que les deux personnages tentent d’apprivoiser. Il n’y a rien de cliché, rien d’attendu, c’est un roman assez punk sur ce que ça veut dire d’être perçue comme une “fille de l’est”.
🐈 J’en ai déjà un peu parlé sur Instagram, mais j’ai beaucoup aimé le film de Vojtech Jasny Un jour, un chat (1963) qui raconte l’histoire d’un village secoué par la visite d’un chat dont le talent secret est de révéler le vrai visage des gens en leur donnant une couleur particulière (moi le talent secret de mon chat c’est de faire caca à côté de la litière mais passons). Oui, ce pitch est trop cool ET j’ajoute que parfois il porte des mini-lunettes de soleil. Un peu un film qui coche toutes mes cases en somme : un chat, un brouillage réalité/fiction, des séquences de danse très colorées, et même un message sur l’importance de donner du pouvoir aux enfants et à leur imagination. Il manquait juste un personnage féminin plus creusé et le compte était bon.
🧐 Comme vous le savez peut-être si vous traînez ici depuis un moment, j’adore Nathan Fielder, je nourris même à son endroit un certain crush, c’est la fin de la newsletter, j’ai probablement déjà perdu 85% du lectorat donc je peux le dire. Pourtant je n’accroche pas à sa série The Curse, écrite avec Benny Safdie et dans laquelle on retrouve Emma Stone (qui est très bien par ailleurs). J’ai l’impression que la série ne dit pas grand chose, qu’elle est trop sûre de ses effets, et son cynisme me lasse tout à fait. Je peine à aller au bout mais j’espère changer d’avis et me dire “ET TU AS DIT DU MAL PUBLIQUEMENT DE CE CHEF D’ŒUVRE, BRAVO”. Mais c’est mal parti.
Pas de citation ce mois-ci mais une chanson pour réchauffer ce dernier jour de janvier. See you en février !