Les nouvelles de janvier

"Try writing about what you know"

Jusqu’à récemment, je pensais que pour gérer mes problèmes de légitimité il fallait que je pense à tous les hommes nazes qui publiaient des livres, écrivaient des scénarios merdiques ou squattaient les plateaux de télévision sans se demander s’ils avaient quelque chose à dire ou non.

J’ai beaucoup pensé à tout cela ce mois-ci et en fait je crois que j’ai tort. Je crois qu’il y a quelque chose dans l’espace du doute, de la peur de mal faire, de la peur de raconter de travers, qui est intéressant. Alors oui, la paralysie que me provoque parfois ma peur de me planter ou de dire n’importe quoi est un peu extrême et un entre-deux serait certainement préférable. Mais je crois qu’il y a quelque chose à en garder. Entre la paralysie et la pleine confiance il y a quelque chose d’une fragilité, d’une conscience du poids des mots, qui a sa place. Et tout comme je n’ai pas envie d’être une girlboss, d’avoir un succès fou, de remplacer les hommes dans les lieux de pouvoir que je voudrais voir s’effondrer, je n’ai pas envie d’arborer leur confiance arrogante.

J’ai envie de me poser des questions, de me demander pourquoi je fais ce que je fais, pourquoi j’écris ce que j’écris. J’ai envie de cultiver cet endroit où la pensée tangue un peu. J’aime bien que mon jardin imaginaire soit comme mon bureau et mon cerveau et cette présente newsletter — un grand bordel dans lequel j’essaie sans cesse de débroussailler mes émotions et d’être la plus juste possible.

Et que vive cette merveilleuse incertitude !

Ce que j’ai fait en janvier :

🐕 Sur mon blog culturel ce mois-ci j’ai parlé d’Elvis Presley, du film de Jane Campion The Power of the Dog et de l’anthologie de Julie Doucet Maxiplotte (parue à l’Association). Vous pouvez lire ça par ici !

👩‍💻 Pour la newsletter de La Ville Brûle j’ai interrogé Lucie Ronfaut-Hazard, on a parlé de son dernier essai Internet aussi, c’est la vraie vie ! illustré avec beaucoup de talent par Mirion Malle. J’ai appris beaucoup de choses en le lisant, parce que la tech et moi ça fait 50 (et Lucie explique tout ça très bien, je suis sûre qu’elle pourrait même me faire comprendre les NFT). Ça se lit par là !

📚 Première newsletter interview de l’année pour Women Who Do Stuff avec en invitée l’illustratrice Kei Lam qui a écrit le très beau et souvent drôle Les saveurs du béton (éditions Steinkis). On a parlé de son choix d’écrire une BD autobiographique, de son adolescence, d’écologie et des femmes qu’elle admire. Par ici, par là.

🎧 Au micro de Quoi de meuf ? j’ai parlé du projet d’écriture qui m’a occupée l’année dernière. J’étais pétrifiée de peur comme à chaque fois que je dois m’exprimer à l’oral, si vous voulez écouter c’est par ici !

💃 Back from the dead : mon blog Gotta Dance sur lequel je raconte l’écriture de mon essai personnel autour de la comédie musicale. L’essai raconte tout ce que la comédie musicale a éclairé dans ma vie en dix chapitres (pour le moment). J’ai prévu de l’auto-éditer mais si vous êtes une maison d’édition et que vous brûlez de publier un livre super personnel sur un sujet de niche et bien vous pouvez toujours me contacter (ça ne coûte rien de demander) !

À voir / à lire :

🎞 En janvier, Peter Bogdanovich est mort. Je l’aimais beaucoup, pour ses films (Paper moon et Last Picture Show m’ont beaucoup marquée), pour son rôle dans Les Soprano mais aussi pour la cinéphilie qu’il défendait. J’ai beaucoup aimé cette nécro dans le New York Times qui raconte sa vie hors du commun.

Mikael Buch a partagé sur Twitter une liste de films à voir chaque semaine de l’année, proposée par Bogdanovich dans son livre Movie of the week. Comme il y a beaucoup de mes films et cinéastes préférés dans cette liste, nous avons commencé à suivre ce programme et à en regarder un chaque semaine. J’en parle (quand je n’ai pas la flemme) sur Instagram. J’aime bien l’idée de revoir des films aimés — je ne le fais pas assez souvent.

⚪️ J’ai lu aussi cet article de Vox écrit par Emily VanDerWerff qui explique pourquoi tous les films tirent vers le gris. Après ça on a envie de revoir la filmo de Vincente Minnelli. En vrai l’article est beaucoup plus subtil que ce que j’en dis, lisez-le !

👀 Lila Shapiro a rencontré Joss Whedon, ses proches et ses collaborateurs·trices et elle en tire un papier glaçant mais aussi passionnant sur la chute du créateur de Buffy. L’article décortique très bien la fabrique des idoles.

📽 Le premier épisode de Pionnières (sur la chaîne Close up, écrit et présenté par Nora Bouazzouni) retrace la vie de la monteuse (et femme) d’Alfred Hitchcock Alma Reville. La vidéo explique l’importance que son regard et ses idées artistiques ont pu avoir sur la filmographie du cinéaste.

En bref :

💖 En janvier je regarde l’intégrale des films de Mankiewicz sur Criterion et c’est un vrai bonheur.

🎶 Ce mois-ci en brodant j’ai beaucoup réécouté la chanson Venus in Fur du Velvet Underground, je repensais au Saint Laurent de Bonnello. Du film il me restait la grâce souveraine de Gaspard Ulliel, sa manière d’être présent à l’écran — et cette chanson, si bien utilisée, qui glissait sur ce personnage mystérieux. Une chanson caressante, tentatrice. Elle m’a accompagnée dans la peine qui m’a traversée en apprenant sa disparition.

🙌 Le premier épisode de la saison 2 d’Euphoria m’a offert cette merveilleuse reprise de Don’t be cruel par Billy Swan et depuis je l’écoute tous les jours. Il paraît que j’ai gagné 100 points de vie.

💅 Mon besoin de romcom a été satisfait par The mirror has two faces de et avec la merveilleuse Barbra Streisand en prof d’université d’une cinquantaine d’années. Bien sûr on y fait beaucoup de détours, notamment par le traditionnel makeover, mais c’est quand même un film qui parle d’être un peu moche et de désir et j’ai trouvé ça plutôt cool.

Dans Petites boîtes de Yoko Ogawa (traduit du japonais par Sophie Refle), l’autrice dresse un parallèle entre le tricot et l’écriture et je vais vous laisser là-dessus :

Tricoter un pull, cela ressemble à écrire une lettre. (…) Un caractère après l’autre, une maille après l’autre.

Et plus loin :

Dans ce cas, tricoter doit aussi être permis dans le cabinet d’écriture pour la sérénité. Écriture et tricot. Ce sont de vrais jumeaux. Si quelqu’un tricote à côté d’une personne qui 'écrit, cela ne la dérange pas du tout.

À dans un mois !