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Les nouvelles de février
Love is an object kept in an empty box
Quand j’étais à l’université, j’avais un groupe de musique. Je ne savais pas vraiment chanter, pas vraiment jouer de la guitare non plus, mais ce n’était vraiment pas grave. J’étais à cet âge où on bricole et où, en règle générale, on s’en fout un peu du résultat. On peut vite s’intégrer à une scène où tout le monde s’en fout un peu aussi (sauf les hommes, ahah). Même si je ne nourris pas particulièrement de nostalgie pour cette période en général, j’essaie souvent de retrouver cette insouciance, ce détachement, cette envie de faire pour faire et on verra bien. À un moment de la vie, on bascule dans la productivité parce qu’on travaille et que le temps libre devient précieux (c’était le sujet de la newsletter de Yasmine que je vous avais partagé le mois dernier) et alors il faut faire et faire pour une raison bien particulière. D’ailleurs, j’ai de moins en moins joué de guitare, j’ai de moins en moins chanté, et j’ai essayé de mettre mon énergie là où il me semblait que j’étais “meilleure”. Meilleure pour qui, et pourquoi ?
En février, Yo La Tengo, mon groupe préféré a sorti un nouvel album. Cela va faire quarante ans que ce groupe existe et qu’il réarrange les éléments de sa créativité avec une forme de flegme qui est véritablement mon phare dans la nuit. Ces dernières semaines, j’ai évidemment lu beaucoup d’interview d’eux où ils déroulent leur manque de vision et d’ambition à long terme. Sur leur désir de juste faire de la musique, voir où ça les amène. Jouer ensemble, essayer. Et évidemment, c’est pour ça que leur musique me transporte toujours. Parce qu’elle porte en elle l’idée de faire, de faire pour rien, et de construire malgré tout, comme une sorte de Palais du Facteur Cheval, une œuvre aussi étrange que magnifique. Ils jouent ensemble dans leur local de répétition et du chaos de l’improvisation naissent ces mélodies qui sont comme une récompense ultime, comme une trouée de lumière dans les nuages.
À chaque fois que ce groupe sort un disque je l’écoute au casque et je m’émerveille d’être à la maison dans leurs albums tout en voyageant au plus loin de ma conscience, tout en poussant le curseur toujours un peu plus loin. C’est pareil, mais c’est aussi radicalement différent. Leur album s’appelle This Stupid World. Dans ce monde idiot, inquiétant, dangereux, leur musique ne me remet pas dans les clous mais me fait faire un pas de côté, elle me donne envie de jouer, même mal, même pour ne rien en faire.
Ce que j’ai fait en janvier :
👩🎤 Pour La ville brûle j’ai interviewé Émilie Chazerand et Alice Dussutour pour leur super ouvrage Parfait·e que je vous recommande d’offrir à tous et toutes les ado de votre entourage ! Par ici !
📖 J’ai repris la newsletter interview de Women Who Do Stuff que j’avais un peu délaissée ces derniers temps. Cette fois, j’ai parlé avec Christelle Murhula de son super essai sur l’amour (Amours silenciées aux éditions Daronnes). On a parlé du féminisme français (très blanc) et de faire entendre plus de voix. Ça se lit par là !
📚 Pour les Inrocks j’ai chroniqué le super premier roman de Laure Coromines, Miss Atomic, un roman de coming of age sur fond d’essais nucléaires dans l’Utah des années 50. Et je suis bien contente de revenir aux critiques littéraires. À lire ici !
✏️ J’ai aussi repris du service sur mon blog. J’ai fait un premier article sur cinq super BD que j’ai eu l’occasion de lire en janvier (j’ai beaucoup lu pour le travail donc c’était une petite pause !) et sur le film de Davy Chou Retour à Séoul. Ça se lit ici. Et j’ai aussi écrit un petit texte plutôt personnel sur Aftersun de Charlotte Wells que vous pouvez lire par là.
À voir / à lire / à écouter :
🎬 Après avoir vu Pillow Talk de Michael Gordon (dont j’ai dit quelques mots sur Instagram) je me suis passionnée pour la carrière de Rock Hudson dont la force tranquille et le charisme (et la beauté, on ne ment pas dans cette newsletter) me fascinent toujours beaucoup quand je vois ses films. Et j’ai découvert qu’il avait révélé en 1985 qu’il avait le Sida et que ça lui avait valu d’être complètement mis de côté à Hollywood. Je recommande cet épisode très intéressant d’Affaires Sensibles pour en savoir plus. Pour ma part je vais essayer de trouver le temps pour regarder les deux autres films de sa trilogie avec Doris Day.
🎭 J’ai aussi lu cet article hyper intéressant d’Alice Raybaud dans Le Monde sur les méthodes brutales des profs de théâtre, qui fait écho aux textes partagés dans la dernière newsletter autour des Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi.
⚪️ J’ai beaucoup aimé cette vidéo de Mina Le sur pourquoi tout est gris et moche : les maisons de star et les fringues des riches (coucou Succession). Je caricature mais le propos est vraiment intéressant, comme toutes ses vidéos d’ailleurs, merci Aurore de me l’avoir recommandée !
✏️ J’ai envie de recommander deux newsletter que j’ai aimé lire ce mois-ci, celle de Manon / Cebe Barnes sur l’écriture (d’ailleurs je recommande de lire Manon pour l’ensemble de son œuvre) qui m’a fait du bien au milieu de mes névroses récentes, et celle de Florence / Les mots de Mouette sur les gens qui aiment rester au chaud dans leur zone de confort. Et de pourquoi ce n’est pas si mal après tout.
🎧 Dans le cadre de ma relecture d’Une chambre à soi j’ai écouté l’épisode des Chemins de la philosophie avec Geneviève Brisac qui parle très bien de Virginia Woolf. Elle souligne notamment un élément qui ne m’avait pas marquée lors de mes précédentes lectures, cet élément de doute dont Woolf parle beaucoup et qui fait vraiment partie de ses théories. On devrait toujours relire les livres qu’on aime.
📺 J’ai regardé le documentaire de Cécile Delarue La fabrique du mensonge sur l’affaire Affaire Johnny Depp/Amber Heard. Ça en dit beaucoup de la manière dont les thèses masculinistes se propagent via les réseaux sociaux et ça revient sur la cruauté dont a été victime Amber Heard pendant le procès. Et la fin ne nous apporte pas beaucoup d’espoir. À voir en replay sur France TV.
🗞 Et je vous recommande ++ de lire l’enquête de l’AJL sur la représentation de la transidentité dans les médias, particulièrement édifiante.
💗 C’était le mois de l’amour sur Criterion, j’en ai donc bien profité. J’ai regardé Pillow Talk dont je parlais plus tôt; le sympathique I know where I’m going de Powell et Pressburger qui donne vraiment envie d’aller s’exiler sur une petite île écossaise et qui parle en général de laisser de la place à la surprise dans sa vie (et des limites de l’ambition); et The Passionate Friends de David Lean qui m’a un peu déçue, probablement parce que j’avais encore son sublime Brief Encounter en tête. Et j’ai surtout revu Nuits blanches à Seattle de Nora Ephron, que je regarde régulièrement depuis que je suis enfant et qui est un peu (avec Quand Harry rencontre Sally) la romcom indétrônable à mes yeux. Parce que ça parle du destin et de l’idée de laisser dérailler un peu sa vie, de prendre des risques. Et de croire (ou non) aux signes. Ça parle aussi du deuil et des films qu’on aime.
🔥 Le vrai bonheur de ce mois de février c’est de regarder Extraordinary, une série vraiment drôle avec une anti-héroïne géniale, le tout imaginé par une femme, Emma Moran. Si vous aimez Fleabag, Starstruck et l’humour anglais en général — c’est pour vous. Ça parle d’une jeune fille qui n’a pas de pouvoirs dans un monde où tout le monde en a (des pouvoirs plus ou moins utiles et plus ou moins absurdes) et ça raconte son désir de se conformer et de trouver sa voie. Absolument rien à voir avec une série de super-héro·ïnes, c’est vraiment drôle et attachant en plus ça se moque des profem — un bonus non négligeable. (dispo sur Disney+)
🎹 En février je suis allée voir Vanessa Wagner jouer à Brest et c’était assez incroyable, on l’a écoutée jouer du Philip Glass et d’autres pièces de compositeurices contemporain·es. Depuis j’écoute en boucle son album Mirrored que je vous recommande pour accompagner ces moments où on regarde dans le vide avec un air profond.
📺 Et toujours sur Disney+ j’ai rattrapé Oussekine, une série très difficile à regarder mais aussi très importante.
🎶 Et puis j’ai fait une petite playlist de janvier que, ma foi, j’aime plutôt bien. Il y a notamment une chanson dont les paroles consistent à faire rimer le mot “Maroon”. Je ne sais pas comment vous la vendre mieux. Par ici !
Et je vous laisse avec Virginia Woolf qui écrivait dans Une chambre à soi (trad. Marie Darrieussecq) :
Tant que vous écrivez ce que vous avez envie d’écrire, c’est tout ce qui compte; et que cela compte pour des siècles ou seulement pour des heures, nul ne peut le dire. Mais sacrifier un cheveu de votre vision, une nuance de sa couleur, en déférence à quelque maître avec un pot en argent dans les mains ou à quelque professeur avec une règle dans la manche, voilà la tricherie la plus abjecte. En comparaison, le sacrifice de la richesse et de la chasteté, qu’on disait être le plus grand des désastres humains, n’est qu’une piqûre de puce.