Les nouvelles d'août

Dans les froids dans les flammes

Les nouvelles d’août

Barbara Stanwyck et Henry Fonda dans “The Lady Eve” de Preston Sturges

Au moment de retourner à mon clavier pour donner des nouvelles de l’été, je me pose toujours la question de ce que je vais raconter. Est-ce que je vais ressasser la nostalgie des vacances qui sont faites chaque année de la même recette : la broderie, la mer, la famille, la lecture, les quelques films pas-ouf regardés d’un œil distrait, les joies simples, etc etc… Ou est-ce que je vais enfoncer le clou sur mon livre qui sort le 19 septembre (et en même temps j’aurai tout le temps de vous embêter avec ça les prochains mois !) ?

Allez, je vais plutôt vous parler de la rentrée littéraire. Au mois de septembre, c’est la question qui revient le plus : qu’est-ce que j’ai aimé parmi les 459 romans de la rentrée littéraire ? Pour moi, la lecture des futures sorties (qu’on commence autour d’avril-mai) est toujours un moment à la fois excitant et anxiogène. Mon fomo (fear of missing out) s’emballe et j’ai peur de rater le roman qui va me plaire. J’épluche les pages des programmes en me posant mille questions. Et puis souvent, il y a la lecture qui change tout, celle qui me fait me dire que peu importe si rien d’autre me plaît ce n’est pas grave, we’ll always have Paris. Cette année, Blackouts de Justin Torres (traduit par Laetitia Devaux) a eu cet effet-là. C’est un roman qui ne ressemble à aucun autre, très original formellement et qui m’a pleinement et parfaitement enthousiasmée, qui m’a donné envie de monter sur le toit avec un mégaphone pour toustes vous encourager à le lire. Cette lecture-clé a donné le la pour toutes les autres. C’était l'’étincelle nécessaire pour embraser les journées de lectures intensives.

Bref, je me suis dit que plutôt que de grands discours, j’allais vous dérouler une petite liste (pas du tout classée dans l’ordre de préférence) simple et efficace de mes coups de cœur, un petit tri personnel parmi la foule de sorties :

  • Blackouts de Justin Torres (éditions de l’Olivier, traduction Laetitia Devaux)

  • Après ça d’Eliot Ruffel (éditions de l’Olivier, premier roman)

  • Alors c’est bien de Clémentine Mélois (L’arbalète/Gallimard)

  • Frapper l’épopée d’Alice Zeniter (Flammarion)

  • La petite sœur de Mariana Enriquez (éditions du Sous-Sol, traduit par Anne Plantagenet)

  • Tout brûler de Lucile de Pesloüan (éditions la ville brûle)

  • Martyr ! de Kaveh Akbar (Scribes / Gallimard, traduit par Stéphane Roques)

  • Girlfriend on Mars de Deborah Willis (Rivages, traduit par Clément Baude)

  • S’aimer dans la grande ville de Sang Young Park (éditions de la Croisée, traduit par Pierre Bisiou et Choi Kyungran)

  • Ma mère est un fait divers de Maria Grazia Calandrone (éditions Globe, traduit par Nathalie Bauer)

  • Sister-ship d’Élisabeth Filhol (P.O.L)

  • Histoire d’une domestication de Camila Sosa Villada (éditions Métailié, traduit par Laura Alcoba)

  • Saison toxique pour les fœtus de Vera Bogdanova (Actes Sud, traduit par Laurence Foulon)

  • Dire Babylone de Safiya Sinclair (Buchet-Chastel, traduit par Johan-Frédérik Hel Guedj)

  • Hexes d’Agnieszka Spila (Noctabilia, traduit par Cécile Bocianowski)

  • Mille images de Jérémie de Clément Ribes (Verticales / Gallimard)

Ce que j’ai fait en août :

📚 Le numéro de rentrée littéraire des Inrocks est sorti, j’y ai écrit des petits textes sur les romans cités ci-dessus et des papiers plus longs : sur Blackouts de Justin Torres et sur Mille images de Jérémie de Clément Ribes. Et pour le web j’ai mené deux interview, une avec Mariana Enriquez (une de mes idoles) pour son génial portrait de Silvina Ocampo et une d’Élisabeth Filhol pour son brillant Sister-ship, l’un des romans qui m’a le plus stimulée intellectuellement de cette rentrée.

💖 Est-ce que j’ai fait un petit papier sur “que lire avant de partir en Scandinavie” juste pour caser Tove Jansson et Ingmar Bergman ? Parfaitement !

📝 Pour le dernier zine du Gospel, j’ai écrit un texte sur mon obsession pour la citation. Il est désormais disponible en ligne si vous avez envie de le lire ! Fun fact, j’y parlais de la réécriture du Petit chat et moi.

⛱ Le blog a repris du service pour un assez long texte sur mon été, ça parle de broderie, de souvenirs minuscules et de films vus. Quel plaisir ça a été d’y revenir et d’écrire ce texte 100% libre. Par ici !

🥳 Hyper contente de vous annoncer que le 26 septembre je serai à la librairie Un livre une tasse de thé à 19h pour le lancement de mon livre Le petit chat et moi aux éditions Philippe Rey.

À voir / à lire / à écouter :

📽 J’étais hyper contente de voir que Mediapart sortait une série d’été sur la réalisatrice Euzhan Palcy, écrite par Christelle Murhula. Je recommande x100 sa lecture, c’est vraiment passionnant, ça retrace toutes les difficultés qu’elle a rencontré pour monter son premier film Rue Cases-Nègres, sa carrière aux US et le manque de reconnaissance dont elle a souffert (et souffre toujours) en France. Ça dit beaucoup sur le milieu du cinéma. C’est par ici.

📺 Tandis que je venais de commencer le visionnage de la nouvelle saison d’Emily in Paris, j’ai lu cet article assez drôle et intéressant d’Alissa Wilkinson sur le hate watch, qu’elle distingue du guilty pleasure. Elle fait un parallèle avec le doomscrolling, pratique sur laquelle j’ai beaucoup réfléchi cet été en faisant une petit pause d’Instagram. À peine étais-je revenue à mon bureau que j’avais repris 100% de mes mauvaises habitudes. Oh well.

📚 Pendant des années j’ai été de la team “je finis tous les livres que je commence” avant de changer d’avis sur la question. J’ai aimé cet article de The Atlantic qui pose cette interrogation fatidique (Quand peut-on arrêter de lire un livre ?) et qui met surtout en avant plein de témoignages qui disent beaucoup de nos relations multiples à la littérature.

Mon plan pour trouver des ami·es (dans This Country de Navied Mahdavian)

En bref :

📺 Étant en mal de séries comiques récentes (dont nous avons pourtant désespérément besoin, in this economy), on s’est lancés dans le visionnage d’Episodes (qui m’avait, je crois, été recommandée sur Twitter), une série du début des années 2010 avec Matt LeBlanc. Ça raconte l’histoire d’un couple de scénaristes anglais qui partent à Los Angeles pour tourner un remake de leur série. C’est le mix parfait entre l’humour britannique et le format sitcom très américain, c’est très drôle, meta et très cruel sur le monde de la télévision.

📚 Mon vrai coup de cœur de l’été a été This Country de Navied Mahdavian, une très belle BD qui n’est malheureusement pas traduite en français. C’est un récit autobiographique sur les quelques années que Mahdavian et sa femme ont passé dans une petite maison au fin fond de l’Idaho. Ça parle de vivre avec la nature, de se priver de certains conforts, de faire famille mais aussi de racisme et de l’Amérique de Trump.

📽 Vous ne verrez évidemment pas faire d’hommage larmoyant à Alain Delon. Mais sa mort a été l’occasion de découvrir l’incroyable film de Joseph Losey Monsieur Klein (visible gratuitement sur France TV). En le terminant j’ai mis un peu de temps à m’en remettre, tellement ce scénario est complexe et retors (et tellement intemporel et intelligent) dans sa manière de raconter l’antisémitisme, le privilège, l’identité, l’individualisme. Des jours plus tard j’y pensais encore.

👻 Après avoir lu La petite sœur de Mariana Enriquez, j’ai eu envie de me plonger dans l’œuvre de Silvina Ocampo. J’ai commencé par La promesse (sorti aux éditions des femmes - Antoinette Fouque, traduit par Anne Picard), qui a été publié à titre posthume J’ai été fascinée par ce livre sur une femme qui se souvient des gens qui ont peuplé sa vie alors qu’elle est tombée à la mer et qu’elle court le risque de se noyer. Il y a quelque chose de très bizarre dans son écriture, de très drôle et déchirant aussi, qui m’a donné envie de continuer cette exploration.

🥰 L’un de mes groupes chouchou, les Softies, a sorti I Said What I Said un nouveau disque très doux, à écouter par exemple après avoir doomscrollé une heure sur Twitter pour éviter de mettre le feu à sa poubelle de bureau. Je les adorais quand j’étais dans ma grande période twee / Sarah Records / “j’achète tout vêtement ou bijoux avec un imprimé cerise” et c’est toujours un grand réconfort d’entendre la voix magnifique de Rose Melberg. Elles étaient parties pendant plus de vingt ans et les voilà de retour, comme des copines du passé qui refont surface, aussi cool qu’avant.

Et sur ce, je vous laisse avec cette phrase feel good de Frapper l’épopée d’Alice Zeniter :

Tass vit dans un yaourt périmé et il y a encore des gens pour demander si c’est mangeable.