Les nouvelles d'août

Would you know yourself as good as I know you ?

La semaine de ma rentrée au travail (qui signifie pour moi passer d’une pièce à l’autre, ainsi va la vie de freelance), je suis allée prendre un café avec ma sœur. Un café au charbon — ce qui m’a montré que Brest avait vraiment bien changé. J’étais complètement bloquée sur cette idée de texte sur laquelle je travaille depuis plusieurs mois sans réussir à vraiment m’en dépatouiller. Ma sœur, qui est toujours de bon conseil, m’a suggéré d’arrêter de citer sans cesse.

Je ne sais pas si j’ai hérité cette manie de la citation de mes années d’université ou d’un manque en confiance en moi maladif (ou même de mes années à travailler à Evene ?), mais il est vrai que je m’accroche tout le temps aux mots des autres. Elle m’a conseillé de réécrire mon texte sans ouvrir et fermer autant de guillemets et sans utiliser autant de noms propres. De garder dans mon esprit les personnes dont les écrits m’importaient (ici Annie Ernaux, Françoise Lhéritier et d’autres) sans les name dropper. Dans un premier temps, je me suis retrouvée face à ma page, comme volée de mes habitudes. Toute nue sans ma flamboyante robe de références. Piocher dans la bibliothèque mentale, faire allusion à un film, raconter une scène de série est devenu tellement habituel que je crois que si on me coupait en deux, on ne trouverait rien d’autres que les fictions des autres.

Voilà donc ce que je fais en ce moment, j’essaie d’écrire contre moi, contre mes habitudes, j’essaie d’explorer les coins de cerveaux qui ne sont pas occupés par des images ou des sons. Un peu comme dans Vice-Versa, je cherche à faire taire les petits personnages qui fouillent sans s’arrêter dans les étagères de mon cerveau. Et voyez comme je viens de retomber dans mes travers !!! On ne change pas, comme dirait l’autre.

Ce que j’ai fait en août :

🏖 J’étais en vacances ! Original non ? J’ai été à la plage, j’ai lu sous mon cerisier, j’ai repris le crochet, j’ai joué à Just Dance 2022, j’ai fait du karaoké, j’ai mangé des crêpes et j’ai bu des Spritz, même s’il paraît que c’est une boisson de centriste.

📚 J’ai quand même écrit un petit article sur mon blog, ça parle notamment de mon incapacité à couper les réseaux sociaux pendant deux semaines mais aussi de Blackwater (moi aussi j’ai cédé aux sirènes de la Perdido), de Nina Nastasia et de Vittorio de Sica.

👯‍♀️ Et j’ai répondu aux questions d’Hanneli Victoire pour Tapage. C’est par ici et ça parle d’amitié féminine !

📖 Je remets un petit coup de promo sur nos zines Maison Cosmo, qui permettent de financer d’autres zines Maison Cosmo donc c’est formidable d’en acheter !!

📓 Et j’en profite pour vous dire que je serai à Lyon le 23 septembre, invitée par le super Female Gaze Book Club pour parler de mon livre ! Ce sera au Mob Hotel.

À voir / à lire / à écouter :

🗣 Hier j’ai lu cet article de Libé sur notre “petite voix intérieure”. C’est une interview vraiment passionnante de la chercheuse en linguistique et neurocognition Hélène Lœvenbruck. Je me dis souvent que l’idée la plus anxiogène qui soit (mais aussi réconfortante par certains aspects) est que nous ne saurons jamais comment les autres vivent leur intériorité, que leurs expériences profondes nous seront pour toujours inaccessibles. Et tout ce que j’écris naît de mon monologue intérieur continu. Bref, cet article m’a intéressée/flippée, mon mix préféré.

📻 La transphobie ambiante et la “polémique” autour de l’affiche du Planning Familial qui montre un homme enceint m’a fait repenser à ce très bel épisode des Pieds sur Terre signé Clémence Allezard. On y entend le parcours d’Ali, un homme transgenre qui raconte sa grossesse. Ça parle de langage, d’amour, de parentalité. À écouter par ici !

📖 J’ai aussi lu la très belle série d’articles de Faïza Zerouala sur la “littérature beur” publiée chez Mediapart, ça parle de politique et de livres et c’est vraiment passionnant. Lisez jusqu’au bout !

🤖 J’aime beaucoup Nathan Fielder (si vous n’avez jamais vu Nathan For You, et bien regardez-la ?). Sa nouvelle série The Rehearsal a un pitch très anxieux-compatible : Fielder propose à des personnes de répéter et donc de se préparer au mieux une situation/confrontation de la vraie vie qui les stresse. Pour ce faire, il anticipe l’événement jusqu’au moindre détail : il engage des comédien·nes, fabrique des décors minutieux… Bref, c’est un anxieux pathologique avec un complexe de toute-puissance qui essaie de manipuler l’expérience humaine des gens pour en retirer l’élément de surprise. Fielder emmène ce concept rigolo à des niveaux stratosphériques de fiction dans la fiction, de malaise dans le malaise et il pousse son désir de contrôle si loin qu’il finit par nous montrer que l’expérience humaine est justement impossible à décortiquer. C’est une série qui met complètement en échec son postulat de base et même son créateur. Au passage Fielder parle de relations entre les gens, de paternité, des émotions si complexes et fragiles des êtres humains. Plus tôt je vous disais que ne pas accéder à l’intériorité des autres m’angoissait un peu. Si vous êtes comme moi (et donc un peu comme Nathan Fielder), alors regardez The Rehearsal.

💘 Cet été c’était la fin de Better Call Saul et donc l’heure des adieux avec un personnage que j’adorais, celui de Kim Wexler. Elle va me manquer.

🌊 J’ai aussi fini les tomes de la saga d’Anne de Green Gables de Lucy Maud Montgomery (du moins ceux parus aux éditions Monsieur Toussaint Louverture, d’autres vont suivre dans les prochains mois). Anne m’a vraiment accompagnée cet été et je crois qu’elle me manque comme une copine qui se serait éloignée. Son avis sur toutes les choses de la vie, ses sentiments. Le dernier tome que j’ai lu, Anne et sa maison de rêve, touchait encore du doigt des sujets vraiment sensibles et profonds, sur l’amitié, l’amour et l’écriture.

Et voilà, c’est tout pour la version redux de cette newsletter d’août ! On se laisse avec Pauline Delabroy-Allard, qui écrit dans Qui sait (paru aux éditions Gallimard) :

J’écris parce que le regard de ma mère s’évapore, parce que son silence m’enveloppe. J’écris pour remplir les vides. J’écris pour voir après. J’écris pour plaire. J’écris pour passer la nuit. J’écris pour triturer du bout des doigts les blessures de l’existence. J’écris pour déplaire. J’écris pour ne plus avoir peur. J’écris pour sauver ce qui peut l’être. J’écris pour savoir qui je suis. Si je n’obtiens pas de réponses, alors j’inventerai.