Les nouvelles de septembre

Some will and some won't

Septembre c’était — pour Fellini : revoir Amarcord, pleurer devant la scène où les garçons dansent dans la brume et se dire qu’il n’y a rien de plus beau que le cinéma, s’asseoir sur une chaise avec son nom, crier “Marcello !” en découvrant une fresque de La Dolce Vita dans les rues de Rimini, voir les partitions de Nino Rota en vrai, regarder la même mer que lui, et puis te faire un geste évasif de la main quand tu me demandes comment je l’aime tant alors que la vision des femmes dans ses films, bon, hein, parfois quand même

Septembre c’était — pour entendre cette courte interview dans le musée de Rimini où un proche de Fellini explique que c’était un menteur, peut-être le plus grand des menteurs

Septembre c’était — pour pleurer en italien en écoutant des mots qu’on ne comprend pas, c’était pour se dire qu’on s’aime dans toutes les langues, c’était pour éponger les larmes mélangées aux paillettes et trouver que ça fait joli sur le mouchoir

Septembre c’était — pour nager dans l’eau chaude, sécher sous les parasols bien ordonnés, c’était découvrir comment les autres font la plage, nous qui ne connaissons que le chaos non-surveillé de la Bretagne

Septembre c’était — l’heure dorée à Santarcangelo, les glaces qui fondent sur les doigts, ne jamais rien avoir à se dire, espérer que le temps présent dure pour toujours (dans This is Us, quand Kevin dit à Kate qu’il aimerait que le temps s’arrête pour leur mère, Kate dit que dans ce cas, les bons moments s’arrêteraient eux aussi, n’adviendraient plus, et cette pensée m’a fait un peu de mal et un peu de bien)

Septembre c’était — pour voir les gens que j’aime être heureux. Et c’était sacrément bien.

Ce que j’ai fait en septembre :

📚 Dans le numéro d’octobre des Inrocks, qui est en kiosque depuis hier, j’ai écrit un article sur deux recueils de nouvelles érotiques (Désirer aux éditions de L’Iconoclaste et Hold-up 21 chez Anne Carrière) et une critique du très beau premier roman de Glen James Brown Ironopolis qui paraît aux éditions du Typhon dans une traduction de Claire Charrier. Je vous le recommande chaudement !

🧵 Sur mes canaux personnels, j’ai écrit une petite critique de la bande dessinée de Bea Lema Des maux à dire qui m’a beaucoup touchée. Par ici par là !

📚 Pour les Inrocks j’ai interviewé Lisette Lombé. On a parlé de son roman Eunice paru au Seuil. Par ici par là !

À voir / à lire / à écouter :

💪 J’ai lu cet article du Guardian qui ne date pas d’hier (il a été publié en 2019) sur un sujet qui m’intéresse assez : l’obsession marvelesque pour les corps masculins ultra musclés. Cet article recueille le ressenti de plusieurs acteurs britanniques. Et la fin du papier me semble aussi assez juste : c’est, après tout, ce que les actrices vivent depuis des décennies.

🎬 Je recommande fort la lecture de l’article de Rozenn Le Carboulec paru cette semaine dans Libération. Elle est allée interroger des actrices lesbiennes suite à la prise de parole de Muriel Robin. Ces dernières racontent un cinéma français largement lesbophobe qui cherche encore bien souvent à faire entrer les actrices dans des cases, hétérosexuelles de préférence.

✏️ J’ai beaucoup aimé l’article de Sylvie Tanette paru dans les Inrocks (et en ligne par ici) sur le master de création littéraire de Paris 8. Ça parle de toutes les voix que ce master a fait émerger et c’est super intéressant. J’ai beaucoup regretté qu’il n’existe pas à mon époque, mais je suis contente pour toutes les personnes qui peuvent le suivre aujourd’hui.

En bref :

🤺 J’ai rattrapé une bonne moitié de Beef sur Netflix. J’étais complètement passée à côté de cette série avec Ali Wong et Steven Yeun qui capte pourtant avec finesse quelque chose de la colère voire de la rage ambiante de l’époque. Le point de départ est un simple incident entre deux voitures qui se transforme en épisode de road rage violent (je suis moi-même sujette à la road rage donc, I relate). Cette colère se répend rapidement comme une traînée de poudre. C’est à la fois triste, angoissant et bizarrement un peu jubilatoire par moment, même si je déteste cet adjectif et m’excuse donc immédiatement de l’utiliser.

📚 J’ai continué mon arpentage de la rentrée littéraire en rattrapant plusieurs romans et notamment Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie d’Elise Goldberg aux éditions Verdier. Un premier roman très étonnant dans lequel une femme récupère le frigo de son grand-père et se met à nous raconter la cuisine ashkénaze. Ce qui commence comme une sorte d’inventaire de plats se transforme peu à peu en un récit vraiment beau et émouvant (et drôle aussi) sur la cuisine comme trait d’union, sur la famille, sur l’identité, sur le lien aux parents et aux grands-parents, sur ce que c’est d’être un être humain. J’ai pleuré dans le train en tournant la dernière page avec cette impression d’avoir lu un livre qui m’avait parlé tendrement dans le creux de l’oreille. Je vous le recommande x100.

🎧 J’ai aussi beaucoup aimé le dernier roman de Chloé Delaume, Pauvre folle (Seuil). Je viens de le finir donc il infuse encore en moi, il m’a vraiment accompagnée profondément. À un moment, la narratrice fait une playlist pour son amant dans lequel elle met une chanson de Colin Newman (de Wire). Je suis désormais obsédée par l’album Commercial Suicide et surtout par le titre But I… Merci la littérature, merci Chloé Delaume.

Et justement, dans Pauvre folle il y a ce passage que je suis obligée de citer, parce que bon, bref :

Son premier manuscrit a été publié et Clotilde Mélisse est devenue écrivaine. Elle ne gagne pas très bien sa vie et fréquente très peu ses collègues. Elle n’est vraiment pas faite pour le monde du travail.

Bon mois d’octobre à tout le monde ! N’oubliez pas de faire des photos de vos chaï latte pour oublier l’angoisse existentielle du temps qui passe ! 🎃