Les nouvelles d'avril

What else could I write ?

À la fin de la saison 3 de This is Us, Kevin discute avec Tess, sa nièce adolescente. Tess se sent perdue, elle se cherche, elle se demande ce qui va débloquer ses doutes. (je n'en dis pas trop afin de ne pas spoiler les gens qui, comme moi, arriveraient tardivement à cette série) Et Kevin lui confie une de ces leçons de vie que la série (et donc moi) aime tant. Qu'on ne découvre pas qui on est en une fois, mais qu'on trouve les pièces du puzzle mystérieux de nos identité au fil des années, parfois par surprise. Qu’on apprend en chemin.

On avance dans la vie, explique Kevin, et au fur et à mesure on trouve assez de pièces pour se sentir entières.

Je me disais en écoutant Kevin (et en le regardant, aussi, hein) que son petit discours venait éclairer mon besoin si pressant ces dernières semaines d'écouter des chansons du passé, celles qui ont jalonné mon histoire personnelle. J'essayais, inconsciemment, de rassembler les pièces, de recoller le puzzle. J'ai beaucoup écouté All Apologies de Nirvana, 36 degrees de Placebo, There's no home for you here des White Stripes avec toujours cette euphorie enfantine de me souvenir par cœur des passages qui me transportaient quand je les écoutais frénétiquement — garder un frisson intact pendant vingt ans, ce n'est pas rien

Married, married, buried, yeah yeah yeah4 7 2 3 9 8 5 I've got to breathe to stay aliveWaking up for breakfast burning matches talking quickly breaking baubles throwing garbage drinking soda looking happy taking pictures, so completely stupid, just go away

J'écoutais ces chansons au lycée quand je savais qu'il y avait mieux — et il y avait mieux, il y avait mieux après — j'enclenchais mon lecteur CD à la pause déjeuner, je regardais mon poster de Kurt Cobain, j’oubliais l’agonie des deux heures de sport à venir. Et les angoisses s'envolaient, pendant au moins les trois minutes cinquante trois de la chanson. C’était une pièce de puzzle, placée au bon endroit. Pour se donner du courage pour trouver les suivantes. Alors aujourd’hui, comme tout est éparpillé au sol, je me tourne vers ces chansons — et je continue à chercher.

Ce que j’ai fait en avril :

📚 En avril j’ai lu Checkout 19 de Claire-Louise Bennett (je l’ai acheté à Shakespeare and Co et lu en anglais mais il est aussi paru sous le nom de Caisse 19 en français aux éditions Scribes/Gallimard, traduit par Thierry Decottignies). C’est une lecture qui m’a profondément marquée et chamboulée et donc j’ai écrit dessus sur mon blog, c’est aussi je crois bien ce que j’ai préféré écrire ce mois-ci.

🎥 J’ai aussi écrit un texte sur le très beau film de George Cukor It Should Happen To You qui est venu nourrir ma passion pour Judy Holliday et son sourire merveilleux. On peut le lire ici !

✏️ Pour Les Inrocks j’ai chroniqué le roman de Melissa Lucashenko Celle qui parle aux corbeaux (paru aux éditions du Seuil, traduit par David Fauquemberg), on peut lire ça par là !

🧵 Et avec les copines de Women Who Do Stuff on a dédié un numéro de notre newsletter à la broderie et j’étais bien contente qu’on mette ce beau sujet en avant (passion broderie). À lire !

🎶 Je vous partage ma petite playlist du moment, merci à Marion grâce à qui j’ai découvert H. Hawkline et au blog I left without my hat grâce à qui j’ai écouté le sublime disque de Juni Habel. La playlist est sur Spotify par ici !

❓ Je réfléchis ces temps-ci à mon avenir (car la pige et vivre de l’écriture plus largement, c’est dur — breaking news). Si vous animez des ateliers d’écriture et que vous voulez bien me partager votre expérience ou que vous avez des idées d’activités annexes (légales de préférence) pour une personne somme toute motivée à écrire et à continuer à le faire le plus longtemps possible, hit me up ! (oui c’est les petites annonces ici !!!)

À voir / à lire / à écouter :

💘 Ce mois-ci sur Criterion il y avait une curation autour des thrillers érotiques ce qui nous a donné l’occasion de voir Body Heat de Lawrence Kasdan, un film avec un personnage féminin intriguant et où les gens transpirent beaucoup (selon moi le truc le moins sexy de la terre mais passons). Et donc dans ce film il y a la formidable Kathleen Turner ce qui a entraîné 1/ le visionnage d’À la poursuite du diamant vert que je n’avais pas revu depuis bien longtemps (pourtant je pense si souvent au personnage de la romancière qui pleure en mettant un point final à la romance qu’elle est en train d’écrire) et 2/ la lecture de ce beau portrait de Turner dans le Guardian. Encore une histoire sur le sort impitoyable qu’Hollywood réserve aux femmes.

📚 Je suis trop vieille pour TikTok mais j’ai trouvé très intéressant le documentaire de Jeannot se livre sur BookTok. Je me suis posé plein de questions en le regardant : quel effet cette mode a-t-elle sur les plus petites maisons d’édition ? Pourquoi c’est toujours les grosses machines qui en profitent ? Pourquoi la dark romance a-t-elle autant de succès ? Est-ce que je devrais installer TikTok ? Bref, je trouve que ça pose des questions intéressantes et si vous n’y connaissez rien, comme moi, eh bien ça vous rendra moins ignorant·es !

🎬 Harry Belafonte est mort et c’est donc l’occasion de lire des articles sur ce formidable acteur, chanteur et activiste, qui s’est mis à la musique parce qu’on ne lui proposait pas assez de rôles à Hollywood. Personnellement j’ai vu et aimé Carmen Jones d’Otto Preminger, dans lequel il joue le rôle masculin principal aux côtés de la formidable Dorothy Dandridge et je vous le recommande donc au passage !

✏️ J’ai évidemment lu l’enquête accablante sur Gérard Depardieu signée Marine Turchi pour Mediapart et je vous encourage à faire de même, comme ça on arrête collectivement de glorifier cet homme en disant que c’est un monstre sacré du cinéma français gnagnagna. Par là.

En bref :

🎉 Ce mois-ci j’ai regardé les premiers épisodes de la saison 3 de Party Down (qui n’est malheureusement pas dispo en France, sue me). J’étais très sceptique vis-à-vis de cette suite — j’avais tellement aimé les deux premières saisons — et je suis ravie de voir que j’avais tort et que c’est un retour réussi. Il y a quelque chose de touchant à décrire la louse qui continue à suivre ces personnages dix ans plus tard. Et la série continue à aborder des sujets de société en gardant son humour un peu cringe et décalé mais sans tomber dans le côté “on ne peut plus rien dire les woke gnagnagna” (deux “gnagnagna” dans cette newsletter, belle perf’). On rigole et ça fait, ma foi, plutôt du bien.

💃 C’était décidément le mois du retour de mes séries préférées puisqu’en plus de Party Down et de Succession (et de Barry que je n’ai pas pris le temps de regarder encore), Schmigadoon est revenu pour une deuxième saison (sur AppleTV). Les scénaristes ont eu la bonne idée de continuer à arpenter l’histoire de la comédie musicale. La saison est donc truffée d’hommages à Bob Fosse mais aussi à Sondheim (mon préféré étant bien sûr le personnage qui lance régulièrement I’ll drink to that !, référence à The Ladies who lunch dans Company, un tube absolu et très plaisante à chanter au karaoké) et à Hair. Ça m’a donné envie de revoir Chicago de Rob Marshall que je n’avais pas revu depuis sa sortie et qui ma foi n’était pas si mal.

🧼 Ce mois-ci j’ai lu le génial essai Du savon et des larmes de Delphine Chedaleux (éditions Amsterdam) qui est une réflexion passionnante sur le soap opera. Ça aborde le mépris de classe, la manière dont les femmes ont regardé et se sont approprié ces récits, sur les thématiques parfois politiques abordées dans les feuilletons… Je n’y connais absolument rien en soap et pourtant cet essai m’a captivée. Je vous le recommande fortement !

💗 Mes ami·es du groupe Chiens de Faïence ont sorti un nouveau morceau vraiment très beau, je vais essayer d’en faire mon mood des prochaines semaines “Si je suis moyen ça sera déjà bien”. Je vous encourage à l’écouter et à regarder le clip, par ici par là !

🎶 C’était un bon mois pour la musique puisque j’ai eu la chance de voir November Ultra à la Cigale et j’ai sacrément pleuré et c’était sacrément bien; et j’ai aussi vu Philippe Jaroussky chanter du Vivaldi et du Haendel avec l’ensemble Matheus à l’auditorium du conservatoire de Brest et j’ai pleuré aussi. Et il y a un nouvel enregistrement de Into the Woods de Sondheim sur Spotify !

Ce mois-ci je vous laisse pas vraiment avec une citation mais avec une image de la bande dessinée Alison de Lizzy Stewart qui était dans le Year of Reading de Shakespeare and co et que je lis en ce moment. Je ne l’ai pas finie mais pour le moment je la trouve incroyable, je vous laisse juger de la beauté de son dessin (merci à Aurore qui m’a fait découvrir cette artiste et à qui je pense fort aujourd’hui) :

Et du coup on met son casque sur les oreilles, on lance Alison de Slowdive, on monte le son, on ferme les yeux et on répète l’opération jusqu’à ce que ça aille mieux.

Bon mois de mai à toustes ! ✊